Pénurie de personnel : comment y remédier ?

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Une pénurie de personnel, avec des variations selon les domaines d’activité et les régions, touche actuellement l’économie suisse et en particulier les PME. La tendance devrait encore s’accentuer selon economiesuisse qui prédit que 430'000 personnes actives manqueront d’ici 2040, ce qui représente 8% du total des emplois en Suisse. Fin janvier, je participais à une table ronde sur le sujet pour tenter de donner des pistes de réflexion et d’action pour relever ce défi.

 

Le défi est de taille pour l’économie suisse avec, depuis 2020, un nombre de travailleurs partant à la retraite qui dépasse le nombre de personnes entrant sur le marché du travail. La reprise économique après la crise de Covid-19 couplée au vieillissement de la population, met les entreprises à rude épreuve en matière de recrutement de personnel. Fin janvier, l’Union Patronale Suisse, l’Union suisse des arts et métiers ainsi qu’economiesuisse ont mis sur pied une table-ronde avec des représentants de différents milieux pour réfléchir à des solutions concrètes permettant de relever ce défi. Invitée à participer à cette table-ronde, je vous livre quelques pistes d’action.

 

Une meilleure intégration de la main-d’œuvre indigène

Même si cette problématique entraîne des difficultés pour les entreprises, une pénurie de personnel est également synonyme de croissance économique et donc un signe de prospérité pour notre pays. Plusieurs solutions peuvent d’ailleurs être mises en place pour améliorer la situation. Il faudrait tout d’abord se concentrer sur la main-d’œuvre existante en Suisse par le biais d’un ensemble de mesures.

Cela commence notamment par inciter les personnes en âge de travailler à intégrer le marché de l’emploi ou à augmenter leur taux d’activité. Prenons par exemple les femmes ayant des enfants. Comme le révèle un rapport d’Ecoplan de 2023, un tiers des femmes actives sur le marché du travail augmenteraient leur taux de travail si les structures d’accueil extrafamilial avaient un coût plus abordable. Quant aux femmes qui n’exercent pas d’activité lucrative, elles sont presque la moitié à mettre en avant le manque d’emplois offrant des conditions de travail favorables à la famille. Une meilleure conciliation entre vie familiale et professionnelle, avec par exemple des horaires flexibles, des possibilités de télétravail ou des emplois à temps partiel, est donc l’une des clés pour une meilleure intégration des femmes sur le marché du travail. On pourrait aussi envisager à terme de revoir le montant de déduction des frais de garde par des tiers ou considérer ces frais comme des dépenses professionnelles sur le plan fiscal.

En plus des femmes, il faut encourager les seniors qui le souhaitent à rester plus longtemps sur le marché du travail, par exemple à temps partiel tout en percevant une partie de leur rente, ce qui est nouveau avec l’entrée en vigueur de la réforme AVS 21 au 1er janvier 2024. La flexibilisation de la retraite doit permettre d’apporter des réponses individuelles, car chaque cas est différent. Il faut trouver une solution dans une perspective gagnant-gagnant entre l’employeur et le salarié. Il faut maintenant que les entreprises soient rendues attentives aux possibilités qui s’offrent à elles et qu’elles les intègrent dans leur gestion du personnel.

Parallèlement, on constate des incitations négatives à l’emploi en cas d’augmentation de revenu, telle que la hausse des impôts des couples mariés, ce qui n’encourage pas à reprendre ou à augmenter son activité. L’imposition individuelle, dont le message a été adopté par le Conseil fédéral le 21 février 2024, pourrait être un élément de réponse, tout comme l’introduction d’une déduction fiscale pour les personnes qui augmenteraient leur taux d’activité, qui fait l’objet d’une motion déposée au Conseil des Etats.

On peut encore citer d’autres pistes d’action, comme la digitalisation, qui doit permettre un gain de productivité et la formation qui doit être plus adaptée aux besoins des entreprises. La formation continue, afin de garantir l’employabilité du personnel, ou les mesures de reconversion professionnelle doivent être davantage promues et soutenues. Aujourd’hui, on ne choisit plus un métier pour la vie et bon nombre de professions sont appelées à disparaître alors que d’autres vont apparaître, d’où la nécessité de pouvoir s’adapter à l’évolution.

 

La main d’œuvre étrangère, un complément nécessaire ?

Le renouvellement de génération nécessiterait un taux de natalité de 2.1 enfants, alors qu’il est actuellement de 1.4 enfants en Suisse. Il semble dès lors évident qu’une meilleure intégration de la main-d’œuvre indigène doit être complétée en parallèle par une immigration ciblée en provenance des pays de l’Union Européenne (UE) ainsi que des Etats tiers.

Pour cela, il faut que la Suisse retrouve au plus vite des relations stabilisées et durables avec son principal partenaire, l’UE. L’annonce du Conseil fédéral concernant un projet de mandat de négociation est donc une bonne nouvelle pour rétablir des relations étroites avec l’UE. L’accord sur la libre circulation des personnes, par exemple, reste indispensable dans ce contexte de pénurie de main-d’œuvre.

En ce qui concerne les contingents pour les travailleurs qualifiés provenant d’Etats tiers, 8'500 personnes avec des compétences spécifiques pourront être recrutées. Les contingents pourraient être adaptés, mais avant toute chose, les décisions doivent être prises plus rapidement. En effet, des facilitations administratives et une accélération des procédures d’autorisation sont indispensables pour alléger la charge des entreprises et leur permettre de trouver rapidement des solutions.

En outre, le Conseil fédéral s’est prononcé en octobre 2023 pour un assouplissement de la législation afin de permettre d’engager des étudiants d’Etats tiers ayant suivi leur cursus en Suisse. Ce sont en effet 1’700 étudiants qui quittent chaque année la Suisse avec un master. Une motion avait été déposée dans ce sens au Conseil national en 2017 déjà.

Enfin, les personnes au bénéfice d’un statut S devraient également pouvoir travailler plus facilement afin de leur permettre d’être plus autonomes financièrement. Ces personnes disposent en effet d’une bonne formation, principalement dans le tertiaire. Le Conseil national s’est prononcé favorablement à ce sujet en décembre 2023. Quant au Conseil fédéral, il s’est fixé un objectif ambitieux, à savoir que 40% de ces personnes aient trouvé un emploi d’ici fin 2024.

Des solutions existent

La pénurie de personnel a un impact très important sur l’économie suisse et ses entreprises mais un ensemble de solutions existent. Les différentes mesures énoncées le montrent. Plusieurs leviers politiques ont déjà été actionnés pour tenter d’accroître la main-d’œuvre dans notre pays et il va sans dire que d’autres vont encore voir le jour.

 

Nadine Gobet

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